632 km

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632 km. C’est la distance qui nous sépare. C’est beaucoup.

Mais souvent, ces temps-ci, j’ai pas l’impression que c’est ce boute de route et l’interminable parc qui nous séparent… Des fois, j’te sens tellement loin, que j’ai l’impression que c’est une galaxie qu’y’a entre nous… Pis j’ai aussi l’impression qu’on est en train de s’faire bouffer par un trou noir.

On a été « proches », mais pas longtemps. Pas longtemps parce que tu veux pas.
C’pas que j’pas fine. Que tu dis.
C’pas que j’pas belle non plus. Que tu dis.
« C’pas moi, c’est toi », comme on dit des fois…

C’est toi qui mange d’la liberté. C’est toi qui quittera jamais ta région pour venir dans ma grande ville, alors à quoi bon?…  C’est toi qui a peur de mes marées d’émotions. T’as peur qu’elles t’emmènent loin au large ou à la dérive, pis même si tu sais surement nager, t’aimes mieux avoir les pieds sur la terre ferme. Ça te permet plus facilement de garder ta tête dans les nuages… pis pas des nuages gris de smog comme les miens, des nuages de ciel bleu Abitibien!

Quand tu m’l’as présenté, ta belle région de lacs pis de minerai, j’m’excuse, j’ai pas trop porté attention. C’est qu’j’y allais pas vraiment pour l’explorer. Et encore moins pour m’y perdre… Pour dire vrai, j’y allais surtout pour toi. Pour te voir.  Parce que toi, tu l’aurais pas franchi le parc, « juste pour me voir ».

C’est trop contraignant faire ça.
Ça veut dire trop d’affaires.
Ça « fit » pas avec la liberté!

Le problème, c’est que finalement même si j’étais pas préparé à ça, mais j’m’y suis perdue pareil.
J’m’y suis perdu dans tes bras, pis dans tes yeux, pis dans les milliers de taches de rouille sur ta peau… pis comme le tiens, mon coeur y’est en Abit’ à c’t’heure…

J’voudrais que ta liberté te mène ici, à Montréal.
J’voudrais aussi que ton coeur y soit, et que ça te donne envie de rester, un peu.
J’voudrais t’promettre qu’en échange on y retournera souvent, fouler les routes lointaines de ton bout d’pays.
J’voudrais t’promettre que je vais les mettre au rancart, mes marées, pis que j’vais t’acheter un bateau, juste au cas.
J’voudrais t’promettre qu’ici aussi c’est vaste et beau et qu’c’est facile de s’perdre.
J’voudrais surtout que tu oublies les trous noirs et les nuages gris, que tu focus sur les étoiles (celles dans mes yeux, si tu veux) pis qu’t’ailles envie d’nous faire confiance et de t’abandonner un peu. C’est pas un aussi beau projet que la liberté, mais j’suis convaincue que les nuages ont une belle perspective, quand on s’lance dans l’vide…

Pis au pire, j’suis prête à parier qu’elle va t’attendre, ton Abitibi… elle l’a déjà fait.

J’aimerais te dire que moi aussi je vais t’attendre, mais en fait, j’peux pas. J’peux pas parce que sans toi pour me tenir la main, j’ai peur du vide pis j’ai le vertige.  Pis même si ça fait mal pis que ça déchire, je le sais que j’ai pu l’choix de remplir de courage le trou gros comme une mine que t’as creusé dans ma poitrine et de déserter l’chantier… pis d’accepter que mes nuages et mes marées, même si ce sont des pays à explorer,  peuvent pas rivaliser avec ta soif de liberté et ton amour des conifères.

632 km. C’est la distance qui sépare Rouyn-Noranda de Montréal. C’est peu, au fond. Pis y a un beau grand parc à traverser pour s’y rendre. Je pense que si j’avais vu filer une étoile, j’aurais souhaité qu’il n’y ait que ça à franchir au lieu des années lumières qui séparent nos galaxies.

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