Casser avec Montréal

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Naître quek’part au beau milieu d’la forêt boréale, mais passer les deux tiers de sa vie à l’ombre du Pont Champlain pas trop loin du Costco à Brossard pis du Cascades Golf sur le boulevard Taschereau à La Prairie. J’en suis venu à la conclusion que ça peut te fucker quelqu’un solide.

Chronique d’une fille née en Abitibi, élevée en banlieue d’Montréal, mais de retour dans sa région natale à la recherche d’elle-même. Probablement égarée quek’part su’ l’bord d’la 117.

J’ai passé toute ma vie à faire des up and down entre Montréal pis La Sarre, ma ville natale. Mes parents m’ont permis assez jeune de développer ma patience par l’entremise du voyagement en char.

« Quand est-ce qu’on arriiiiiiiive? »

P’pa pis M’man l’ont entendue en sacréfice celle-là, mais j’les remercie d’abord de jamais nous avoir dompé dans l’parc mon frère et moi quand on s’picossait non-stop au sujet de la meilleure vitamine Pierrafeu; orange ou mauve? C’est la mauve, avoue. On se serait surement fait bouffer par un ours. Je les remercie également pour leurs élans de nomadité, c’est ça qui me permet aujourd’hui d’apprécier autant la route.

Bref, à Montréal j’ai grandi, aimé, braillé, commencé à fumer (sorry Mom), étudié, travaillé, fait le party, frenché et fait full d’autres affaires tannantes pis moins tannantes.

J’me suis souvent demandé c’que serait ma vie si j’avais jamais quitté la région. J’me suis tellement répété : « Esti que j’irai jamais vivre en Abitibi! ». Là, j’me demande comment ça s’fait que j’suis pas venue m’établir icitte avant. Comprends-tu quek’chose, toé? Moé non.

C’est peut-être juste ma honeymoon qui m’fait penser d’même. Ça fait ben juste cinq mois que j’suis revenue. Watch out dans six mois quand l’hiver va nous retomber dessus, m’a faire la danse de Saint-Guy pour qu’on me ship back à Montréal ou juste quek’part où c’est qui neige fucking jamais. Cette neige, quelle bitch sometimes.

N’empêche que de déménager icitte, c’est le plus gros move que j’ai fait de ma vie. Ça brasse ben des affaires en d’dans. J’ai la conviction que j’ai fait la bonne affaire. J’suis sur la bonne trail, même si c’t’encore un peu raboteux. L’Abitibi, c’est comme une grosse couverte de laine qui t’enrobe pis qui t’fait du bien. Feels like home.

Sans vous déballer trop de détails sur ma vie personnelle, parce que j’suis assez prude pareil, mon déménagement en Abitibi marque en quelque sorte ce que je qualifierais comme le commencement de ma vie d’adulte. Pas qu’avant je me maintenais volontairement à sept ans d’âge mental, mais disons que j’ai quitté Montréal parce que j’avais l’impression de tourner en rond depuis un boute pis de pas m’accomplir.

C’est ironique, je l’sais. Parce qu’on a souvent tendance à fuir les régions en disant que c’est plate, qu’y a rien à y faire pis on a envie que ça bouge plus. Moi, j’ai fais l’inverse; j’ai voulu m’éloigner du bourdonnement constant pour trouver la tranquillité pis la quiétude.

J’ai surtout vu ça comme une opportunité de me retrouver. Naitre icitte pis habiter en ville presque toute ma vie m’a endommagé les chakras. C’est que j’ai longtemps eu l’impression qui m’manquait un boute. Peut-être à cause de sa si grande superficie, je réalise aujourd’hui que l’Abitibi que j’ai quittée quand j’étais jeune a laissé un vide en d’dans, mais là j’ai l’impression qu’il se remplit petit à petit. À force de m’émerveiller chaque fois que j’roule le soir sur les routes paisibles de ma région pis que j’vois le soleil se coucher pis que ça sent bon la forêt humide. Feels good to be back home.

J’sens que j’suis peut-être en train de tomber en amour. Tu sais ce moment où tu pognes le vertige, où t’as peur de perdre le contrôle pis que t’as la chienne de t’abandonner? C’est là que j’en suis. Réaliser qu’on se détache de son ancienne vie et de son ex pour rebâtir quelque chose ailleurs, avec quelqu’un d’autre, ça donne le vertige. Autant que ça te tire par en avant.

J’ai cassé avec Montréal pis là je date Rouyn-Noranda.

J’ai beau voir la vie en presque rose, reste que j’me pose encore beaucoup de questions pis l’éternelle indécise en moi alimente les débats. Pis cette quête du bonheur absolu itou… C’est quoi l’bonheur, y r’semble à quoi pis y s’cache où? Ça r’semble presque à une toune de Michel Rivard. So many questions, peu de réponses.

Mais c’est pas grave, j’me sens présentement un peu plus en vie, un peu plus consciente et groundée que quand j’étais dans l’tourbillon montréalais; qui me manque parfois et duquel je risque désormais de toujours m’ennuyer un peu, au fond. Mais je suis assez contente de l’avoir troqué pour les spas de milieu de semaine avec comme ambiance sonore les grenouilles qui s’pètent un time dans l’marais pas loin. Sans parler des étoiles qui ont l’air de s’battre les unes contre les autres pour savoir c’est laquelle qui va briller l’plus fort.

Josée Hardy-Paré

Josée Hardy-Paré

Née dans la forêt boréale de La Sarre, Josée a grandit à La Prairie et évolué dans la grande ville avant d'effectuer un retour en région en 2016. Elle se spécialise en communication culturelle.
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