Est-ce que j’peux t’aider?

Est-ce que j’peux t’aider?

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L’autre nuit, j’ai rêvé à toi. J’entrais à l’épicerie et t’étais là. C’était pas à mon épicerie, mais la tienne. Celle où les étalages sont pas à’ même place, où est-ce que l’monde autour est toujours juste à moitié là, flottant. La musique de fond est pas assez forte pour entendre c’qui joue. Une vraie épicerie d’rêve.

Tout bonnement, dans l’entrée des fruits et légumes flous, tu m’attendais : l’air fatigué, sale, les cheveux sauvages, avec un vieux gilet sorti des mauvaises années 90 – comme t’en a souvent porté. Au début, j’t’ai pas r’connu; t’as jamais eu d’lunettes. Le regard honteux, derrière des vitres un peu trop rondes pour ton visage, t’as même pensé m’éviter. Comme si on était pas supposé s’voir; comme si j’avais pas d’affaire là. Comme si t’avais brisé une règle ou une condition dont j’devais pas être au courant. T’as essayé de continuer ton chemin pour que personne sache qu’on s’est vu, mais j’me suis dépêché à t’prendre dans mes bras avant qu’tu passes à côté d’moi pour disparaître.

J’ai vu un million d’excuses dans tes yeux. T’avais l’air d’avoir besoin d’aide. J’en ai profité pour te serrer fort.

J’avais jamais vraiment r’marqué avant, mais j’suis plus grand qu’toi. Ça m’a frappé. J’t’ai serré encore plus fort. Ce câlin-là, je l’ai senti; pour vrai. Ton odeur aussi : musquée, chaleureuse. Une sorte de swing qui sent bon. Une odeur de tous les jours; réconfortante. Comme la soupe à Mémére, une odeur de poêle à bois ou un gâteau au four. Une senteur que j’reconnais encore. Celle avec laquelle était imprégnée ta chambre quand tu faisais la sieste en revenant d’travailler – où j’profitais toujours de l’occasion pour aller te demander des permissions pour tout et rien, en étant certain que tu me répondes, à regret : « oui, oui ». Une odeur de père; mon père!

J’ai profité de la fraction de seconde que la hug a durée. J’me suis senti sourire dans mon sommeil, les yeux pétillants sous mes paupières endormies. Au beau milieu de l’allée, je t’ai libéré. Exaucé, comme si c’est c’que t’étais venu chercher en venant à l’épicerie. Même chose pour moi. L’air soulagé, t’es parti en soutenant mon regard à travers les clients-figurants. J’me suis doucement réveillé le cœur gros et les yeux pleins d’eau, mais ça m’a fait du bien. J’étais en paix. Dans mes rêves, tu vis encore. Repasse quand tu veux, on s’voit pas assez souvent. Quinze ans c’est trop long.

Dreamer*, you’re nothing but a dreamer.
Well can you put your hands in your head? Oh no!

Bonne fête des Pères pareil.

* Mon père s'amusait souvent à me fredonner ce vieux hit de Supertramp quand il me prenait à rêvasser...
David Lavictoire

David Lavictoire

Born and raised à Rouyn-Noranda, David est un monument de la scène RNHC. C'est une encyclopédie vivante, un affichiste, chanteur et rédacteur marketing en parfaite symbiose avec son sommeil paradoxal. Bref, il fait tout'.
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Prend moi par la main jusqu’à ce qu’on ait confiance tous les deux

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