Retour vers le futur en Abitibi-Témiscamingue

Retour vers le futur en Abitibi-Témiscamingue

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Illustration : Christian Beauchemin

Viens icitte mon chum, il faut j’te conte une histoire! Pis toute une à part de t’ça… Tu m’croiras surement pas, mais j’arrive du futur à l’instant! Oui, oui… le futur! Celui qui est devant nous, celui qui nous attend, celui que l’on dévierge à chaque seconde de notre vie.

Je vois dans tes grands yeux l’impatience de connaitre mon histoire. J’y vois aussi de l’incrédulité. Tu te demandes en esti comment j’ai fait pour voyager dans le temps. Laisse-moi te révéler mon terrible secret et non, ce n’est pas un suppositoire dans l’pêteux!

Depuis ma tendre enfance, à chaque jour, été comme hiver, mon père se levait de table après le souper et s’en allait dans son garage pour bizouner sur son projet, une machine qui va révolutionner le monde : un Ski-Doo à voyager dans le temps!

La première version, un Rupp 440 Magnum 1973, fut un échec. Ça chiait son affaire! Les ployes pétaient dans panne pis le sélenoye kickait dans l’sprockette avant qu’il réussisse à pogner les 88 miles à l’heure nécessaires. Ensuite, il s’est grayé d’un Safari 377 1988 qu’il a su patenter parfaitement pour voyager de façon sécuritaire dans le continuum spatio-temporel.

Après 30 ans de dur labeur, on a fait les premiers tests hier qui furent concluants! J’ai enfilé mon one-piece Alaska avec un zipper YKK plus large que ma pissette, j’ai setté le cadran à 50 ans, donné un coup d’choke, trois coups de primeur, j’ai tiré sul cordon du crink, j’ai crossé l’gaz pis j’ai filé à toute allure vers le futur. Brrrraaappp!

Me voilà à Rouyn-Noranda en 2066 après Jésus-Christ.

À ma grande surprise, l’Abitibi-Témiscamingue n’est plus une région mais bien un pays! Juste avant le déclanchement de la 3e Guerre mondiale par la République Raciste et Dictatoriale des États-Unis (R2DdEU) du président Donald Trump, l’Abitibi a obtenu son indépendance et s’est déclarée neutre et pacifique. Ainsi, les citoyens n’ont pas eu à participer au conflit mondial et ont pu se concentrer sur le développement de leur beau pays surnommé la République du Bon Monde.

On m’a raconté qu’après une longue campagne électorale, l’hologramme d’Haurice Lalancette l’a emporté sur la tête dans un bocal de Réal Caouette grâce à son slogan « Si le Likchtanchtin… le Lichetingchtong… Si le Lichtenstein peut être un pays… ben l’Abitibi aussi peut l’être! ».

Pendant que le restant du monde ressemble à une fresque mad-maxienne, les irréductibles Abitibiens ont pris leur destinée en main et ils ont nationalisé les mines, les forêts, l’électricité, l’eau et l’agriculture. Chaque habitant reçoit un salaire de citoyenneté annuel de 100 000$ par année en échange d’un minimum de 20 h de travail par semaine. La monnaie abitibienne est l’une des plus fortes au monde puisqu’elle est bien blottie contre le ventre en or du pays! Les plus grands scientifiques du monde viennent de plus en plus s’installer dans le havre de liberté qu’est devenue la région. Il en est de même pour les artistes et les grands penseurs de ce monde qui viennent s’inspirer du génie abitibien.

Ce melting pot de cerveaux a donné naissance à des projets comme le pavage de tout le réseau routier avec des panneaux solaires et à la construction de plusieurs écoles stimulantes où les jeunes peuvent apprendre en s’amusant. By the way, l’éducation est désormais gratuite et plus obligatoire, mais les enfants veulent tellement y aller parce que c’est fucking chillax que le taux de fréquentation n’a jamais été aussi élevé.

Somme toute, l’Abitibi-Témiscamingue est devenue le plus meilleur pays du monde… Rien de moins.

Quelques heures avant de retourner dans le présent, j’en ai profité pour aller faire un tour à Évain, mon village natal.

Le Pub Chez Gibb est encore ouvert! Lorsque je suis entré, j’ai eu une drôle de sensation de déjà-vu. Un homme est assis au bar. C’est moé, tabarnak!

Là, mon voyage a pris une drôle de twist. J’t’épargne les détails mais après avoir bu une couple de bières avec moi-même et avoir pris soin de me donner un Almanach du peuple 2016-2017, j’ai eu un p’tit munchies ça fait que j’ai décidé d’aller manger une pout au Morasse.

Surprise en arrivant : le Morasse est fermé, mais la Patate d’Amour a réouvert en grande pompe. Elle est maintenant située dans un restaurant rotatif autour de la cheminée de la mine. Ma-fucking-lade! J’ai pris un trio Gros Raymond fumé directement dans la cheminée. C’était fameux! By the way, la Horne n’est plus une fonderie de cuivre, c’est devenu une usine de transformation de chanvre plein de produits drôlement cool! C’est moins dégueux.

Lorsque l’heure de mon départ a sonné, avant de me transformer en citrouille, je suis retourné à mon Ski-Doo que j’avais laissé au Monument et une gang de jeunes m’attendaient. Ils trippaient sur mon 377 vintage qu’ils voulaient m’échanger contre leur Segway à voyager dans le temps.

Moé, l’cave, j’ai dit oui!

Finalement, c’est pas toute cool, le futur! Un Segway, tabarnak… C’est mon père qui va être déçu! La prochaine fois, je set le cadran à -90 ans. On s’en reparle mon chum!

Ok bye.

Sébastien Tessier

Sébastien Tessier

Originaire d'Évain, Sébastien est un archiviste spécialisé sur l'histoire de l'Abitibi-Témiscamingue. Il est également guitariste au sein du groupe mythique "Les Sprates" en plus de faire partie des meubles au Pub Chez Gibb.
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