Vivre libre ou mourir!

Vivre libre ou mourir!

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J’ai neuf-dix ans. Couché su’ l’dos dans l’fond d’la chaloupe, j’ai la tête accotée sur une flotte de spare.

Y fait beau; y fait chaud. Tout c’que je vois, c’est un bleu ciel-de-juillet à perte de vue. L’ancre est jetée; ça tangue un peu quand mon père caste sa ligne, mais pas assez pour que ça m’dérange – dans’ vie, j’ai toujours un peu l’mal des transports quand c’est pas moi qui chauffe.

Dans mes oreilles, les Bérus crient vengeance pour Hélène. J’comprends pas vraiment la portée des paroles, mais pour moi ça s’écoute très bien à’ pêche. « Wop bop bop, wop bop a loo a! » Tranquillement, mon Walkman rouge commence à manquer d’batteries. J’m’amuse à écouter les tunes ralentir au rythme du petit moteur qui s’épuise.

Concerto pour détraqués, au beau milieu du lac Raven.

L’achigan mord pas comme P’pa l’voudrait. On en profite pour se rapprocher des chutes et faire une saucette dans les petites marmites d’eau calme. « David, watche les sangsues. » L’eau est vraiment fret’. Lui, il continue sa pêche sur une des roches d’la pointe. Il réussi à en accrocher un, mais finalement il l’remet à l’eau. Trop p’tit. « Bon OK, viens t’en on va changer de spot. » On a fait le tour du lac.

De l’autre bord, une fois débarqué d’la chaloupe dans l’parking en garnotte, la tête d’un totem sculpté en abreuvoir me crache une eau de source fraiche dans le creux des mains. Ça fait du bien. J’en profite pour laver le sang séché que j’ai d’collé en arrière des oreilles. « Maudites mouches noires (…) dans l’Nord de l’Ontario. » J’embarque dans l’pick-up : un vieux GM orange que mon père a racheté pas cher d’un chum garde-feu. Le genre qui flashe même à’ brunante. Une banquette trois places dans l’cab. De quoi d’old school.

J’ai déjà hâte à’ prochaine fois. Même si pêcher, au fond, j’aime pas vraiment ça. J’ai peur des hameçons pis des yeux vitreux. J’veux juste r’tourner ramasser des écrevisses en dessous du pont du lac Buies; boire un Tahiti Treat en mangeant un sandwich sur une roche au bout des rapides; faire une ride dans’ boite du truck en regardant les arbres passer trop vite; entendre mon père me crier à travers la p’tite vitre qui slide : « reste assis, sinon tu vas v’nir t’asseoir en d’dans. » Me lever quand j’pense qu’il regarde pas. Retourner m’asseoir en d’dans…

À l’ombre du mont Chaudron, on traverse la ligne; la frontière ontarienne. « Attache ta ceinture, on arrive à’ grand’ route. Let’s go à’ maison! »

David Lavictoire

David Lavictoire

Born and raised à Rouyn-Noranda, David est un monument de la scène RNHC. C'est une encyclopédie vivante, un affichiste, chanteur et rédacteur marketing en parfaite symbiose avec son sommeil paradoxal. Bref, il fait tout'.
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